Adelyne Laundry >> Admin

Ce monde où Jan ne se sentait pas trop à sa place, Alice ne s'y sentait pas spécialement bien non plus. Comme dit depuis un certain temps déjà, la jeune demoiselle se sentait facilement rejetée et hors de tout ce qui faisait qu'elle aurait pu être acceptée. Certes, elle aurait défendu la thèse de Jan selon laquelle tous les enfants sont gentils au fond et que ce sont les parents et la société qui les rendent totalement cupides et sans coeur. Pour survire sur cette terre, il fallait ne pas être trop gentil car de nos jours à Miami, toute personne gentille se faisait marcher sur les pieds. Alice était consciente de cela mais c'était plus fort qu'elle: elle n'arrivait pas à être méchante, elle ne pouvait pas se résoudre à être une fille comme les autres: totalement ignorante et ne désirant qu'une chose, attirer les garçons. La belle blonde avait une et une seule envie, celle d'être acceptée telle qu'elle était par le beau jeune homme qui était en sa compagnie aujourd'hui. Pour une fois depuis longtemps, elle n'avait pas mis de masque, elle n'avait rien caché et elle n'avait pas menti. Pourtant, cela semblait franchement un succès. Ce fut là que les Romains s'empoignèrent: Alice comprit qu'à faire la forte, elle gagnait peut-être l'admiration et la fierté de ses parents, heureux d'avoir une fille différente des autres... Elle perdait cependant toute la vie sociale d'une princesse de son âge, elle perdait les potentielles amitiés, les amours que l'on croit toujours éternels et... La possibilité de rencontrer quelqu'un à qui elle pourrait tout dire...
Car il était vrai que la demoiselle avait sa mère lorsqu'elle devait parler, mais la distance qui avait fini par venir à bout des deux inséparables n'avait pas permis à la lycéenne de garder énormément de contact. Cela expliquait pourquoi, à présent dans une ville pourtant énormément peuplée, la belle se sentait seule et vide. Vous le savez certainement très bien, la petite avait besoin de sa maman, non seulement pour se confier mais aussi pour la rassurer, pour la combler de l'amour et de l'amitié qu'elle n'avait pas en temps normal. Or là, plus personne n'était là pour combler ce manque... Personne à part Jan. Cela voudrait-il dire que la demoiselle le prenait pour un vulgaire bouche trou? Certainement pas, elle appréciait sa sincérité et sa personnalité, elle aimait sa façon d'être, sa voix douce et ses profonds yeux bleus, se demandant pourtant si, à force d'être si profonds, ils ne perdaient pas le jeune homme de temps en temps. Jan était quelqu'un de réfléchi à première vue, quelqu'un qui ne laissait rien au hasard et cela, Alice l'avait bien compris, était indispensable si l'on voulait vivre simplement... Il fallait à l'intello une stabilité, un bonheur certain et sûr sans pour autant l'installation d'une routine ennuyeuse. Il lui fallait la personne qui serait toujours là pour la soutenir et pour lui souhaiter une bonne nuit tous les soirs... Il lui fallait cette personne qui, attentionnée sans être étouffante, saurait la cerner et savoir qui elle est... Oui, Alice avait besoin de tout cela à la fois. Si une seule personne était capable de lui procurer tout ce bonheur, alors elle aurait peut-être à nouveau confiance en elle et aux autres, elle s'affirmerait plus et, qui sait, elle apprendrait peut-être à vivre en société... Mais plutôt que de partir dans de longs et hypothétiques discours, revenons-en à l'amour que portait Mademoiselle McMahon à cette belle et tendre nature.
La petite merveille, comme l'appelait sa mère de temps en temps, vouait un culte tout particulier à la mère nature qui selon elle, permettait à l'homme de vivre. Certes, elle était cosciente que ce n'était pas le fait de soi-même et uniquement soi-même trier les poubelles qui allait changer le fait que cette planète était totalement pourrie, mais Alice avait comme principe de toujours ne s'occuper que de son comportement face à ses grandes convictions. Par exemple, en triant ses déchets, elle se disait qu'au moins, elle ne serait pas la coupable lorsque les générations futures seraient en totale perdission. Certains qualifiaient ce système de penser comme lâche et inefficace, mais encore une fois, si Alice ne se battait pas plus activement pour cette cause qui lui tenait tant à coeur, ce n'était ni par manque d'arguments ou par paresse mais avant tout par un déficit évident du point de vue de la confiance qu'elle s'accordait à elle-même. En parlant de pollution, il devait être trois heures du matin passées maintenant et pourtant, cela n'empêchait pas les Américains d'employer leur voiture: cela mettait la petite Belgo-Française totalement en rogne! Elle estimait qu'à une heure aussi tardive, il était bien plus amusant et intéressant mais surtout beaucoup plus écologique d'employer ses pieds pour se déplacer. La musique qui passait cependant dans la voiture mit un peu d'ambiance dans le quartier un peu endormi du parc que venaient de quitter les deux jeunes gens. Maintenant, ils se balladaient sans aucune crainte dans les ruelles sombres qui allaient mener à l'appartement de Jan.
Maintenant que nous connaissons en grande partie les goûts d'Alice, il nous reste à exposer ce dilemme cornélien qui obligeait la belle à se poser des questions malgré le fait qu'elle était sur d'aimer Jan pour de bon. Il y avait en effet un autre jeune homme dans la tête de notre intello, et ce depuis plus d'un mois: Lucas, un jeune rebelle qu'elle trouvait très mignon et avec qui elle avait déjà passé de belles et longues après-midis à critiquer les livres. Alice aurait aimé être le genre de fille qui l'attirait, mais comme ce n'était pas le cas, elle avait fini par s'y faire et y pensait en silence. Ici, alors que quelques minutes auparavant, on ne parlait que d'amitié, les choses devenaient de plus en plus claires: Alice et Jan semblaient réellement s'apprécier et avoir besoin l'un de l'autre... peut-être pas en meilleurs amis d'ailleurs. De toute façon, l'intello ne voulait pas de meilleur ami, ce mot elle l'avait banni de son vocabulaire. Alice semblait donc, sans le sembler vraiment, tortillée, déchirée entre deux jeunes hommes aussi séduisants l'un que l'autre: le premier l'avait abordé pourun renseignement sur l'une des interrogations de littératures ce qui avait fini par être une habitude tellement répétée que lui et la jeune demoiselle avaient fini par se donner rendez-vous tous les jeudis après-midi. Le second l'avait abordé dans la rue, la terrifiant tout d'abord mais très vite, la mettant à l'aise et lui permettant de pratiquer avec joie et bonheur tout l'art qu'elle avait de jouer du regard et des sentiments.
Car si Alice ne montrait que très peu ses sentiments, ce n'était pas parce qu'elle en avait honte, preuve en était que dès que l'occasion se présentait, elle sautait dessus. Non, cela était plutôt par soucis de sincérité: la belle n'aurait pour rien au monde dit à quelqu'un qu'elle tenait à lui si cela était faux. Voilà l'une des raisons pour lesquelles la réplique de Jan la toucha une fois de plus. Jamais il ne serait venu à l'idée d'Alice que Jan pouvait la manipuler car, étant elle même toujours sincère, elle ne s'imaginait pas que d'autres pouvaient ne pas l'être. Ainsi donc, Jan ne supportait pas les gens incapables de construire une phrase qui avaient un sens pour eux... Alice ressentait la même chose: l'hypocrisie ou la peur d'affirmer ce que l'on pensait réellement l'énervaient au plus au point! Dans son pays des merveilles, la belle avait imaginé une vie sans mensonge et sans incestes, sans viols, sans souffrances, sans meurtres et sans guerres. Vous savez, les mondes que certains qualifient de trop tranquilles? Alice aurait voulu vivre dans un monde pareil, où tout le monde était trop idéaliste; un monde où tout le monde s'entendait bien même s'il y avait des affinités, comme partout. Après avoir pensé quelques secondes à la dégringolade du monde dans lequel elle vivait, elle se décida enfin à ouvrir la bouche, pour dire quelque chose qu'elle avait, jusqu'à présent, rarement dite car cela était une bribe de sa philosophie, de sa façon d'envisager la vie et de faire face aux problèmes qui se présentaient à elle:

« Personne sur cette terre ne sait être sincère, ou du moins, personne ne veut montrer qu'il l'est. Et c'est là tout le problème car pour le moment, toute la société est basée sur l'apparence et la richesse extérieure. L'exception confirme la règle et donc, il y a des gens qui se font confiance et sont sincères les uns envers les autres; mais cela est tellement rare que ça en devient pathétique. Pourtant, nous ne pouvons rien faire: seul le changement provoque le mal dans un état.»

Drôle de philosophie me diriez vous? Peut-être pas tant que ça car il ne peut être nié que toutes les choses instaurées dans un pays et qui restent telles ne déclenchent rien de très violents, mais en faisant des changements sociaux au jour d'aujourd'hui, on casse la branche sur laquelle certains sont assis et c'est pour cela qu'on ne peut absolument pas jouer sur le fait que le changement est bénéfique. Comme l'a dit Montaigne: ''Lors des réformes, le progrès est hypothétique, le bouleverserment est certain''. Comme dit précédemment, Alice croyait en les paroles de Jan,bien qu'elles soient étonnées de les entendre de la bouche d'un jeune homme qu'elle ne connaissait que depuis quelques minutes seulement. La tâche de la belle serait maintenant de trancher entre Jan et Lucas. Déjà, la demoiselle savait qui elle choisirait et elle était assez fière de son choix...
Jan lui dit alors que tout était perdu avec Hannah:

«Si rien d'autre n'est possible entre vous deux, tâchez quand même de conserver l'amitié dont vous avez l'un comme l'autre il me semble, besoin... Et ce n'est pas si compliqué que cela puisque moi, petite ignorante, j'ai compris ce que tu voulais dire!»

La demoiselle aurait peut-être créé une plus longue réflexion si elle ne perçut pas à ce moment un murmure de Jan ''Et puis en ta présence je ne pense plus vraiment à elle.'' Que voulait dire cette phrase? En Alice, elle perturbait un équilibre qui visait à dire que certaines choses ne devaient pas échapper à la personne qui prenait la parole. Cependant, cette phrase lui fit plaisir, et elle fut une fois de plus heureuse que Jan se dévoile totalement et sans le moindre tabou à elle... Elle répondit alors après une petite hésitation

« Tu me fais aussi oublier une certaine personne..»

Ainsi, le choix semblait fait... Les deux jeunes gens continuèrent de marcher en direction de l'appartement de Jan et Alice, qui ne connaissait pas le chemin, se laissait guider par son prince charmant qu'elle appelait alors Bonhomme de neige... Ce n'était pas un surnom très sexy mais plutôt bien original et qui n'était en rien railleur ou déroutant...